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Une transformation continue

« Les choses arrivent plus vite que nos capacités d’adaptation »

Aurelien Acquier. co-directeur de la chaire ESCP Deloitte en Économie Circulaire, lors des rencontres du développement durable
L’expression de transformation numérique est ambigüe, parce que polysémique. Il n’y a pas une transformation mais de multiples transformations. Elles se produisent dans tous les secteurs et sont impulsées ou facilitées par les technologies. Comme elles peuvent être imposées par des changements de culture ou de géopolitique. Il ne s’agit pas que de transitions technologiques. La commission européenne en a pris l’envergure en établissant « une déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique ». Force est aussi de constater que tous les pays ne maîtrisent pas à la même vitesse ces transformations. La France accuse un certain retard, a minima de compétences.

L’IT (ou ICT) est un accélérateur.

En effet, les flux d’information, de génération, de collecte, d’exploitation et de partage de données, semblent pouvoir se démultiplier à l’infini et casser les restrictions d’anciens modèles. Cela représente autant d’opportunités que de menaces, à évaluer sur plusieurs dimensions. Quand le rythme des changements devient supérieur à nos capacités d’absorption, les perspectives économiques pourraient nous faire oublier que nous sommes à ressources contraintes ou sujet à des chaînes de dépendances non maîtrisées. Les conséquences de ce genre d’oublis se voient dramatiquement en temps troublés.
Pourtant, ni la crainte de l’avenir, ni l’immobilisme, ni l’insouciance, ne sont des options viables. Car les transformations continueront d’arriver, de plus en plus souvent de crise en crise.

Index DESI

Position des pays européens selon l’index DESI (Digital Economy and Society Index) de la commission européenne.

Diplômes

Ratio de diplômes portant sur les technologies ICT sur la part totale(source eurostat 2019).

Capital Humain

Score des pays européen en matière de compétences basiques Internet ou de compétences avancées (source DESI 2021).

Mettons le collectif à l’oeuvre et objectivons les décisions

« Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille…».

Edgar Morin
Les transformations nécessitent des actions d’adaptation, des décisions doivent les précéder. Le processus de décision s’alimente d’informations sur la situation pour réduire l’incertitude sur les options possibles. Qu’il y ait de nombreuses informations sous forme numérique à disposition ne signifie pas qu’on puisse si facilement collecter des faits vérifiables, pas plus que leur interprétation n’ait de défaut de clairvoyance ou de biais de croyance. Prendre les bonnes décisions n’est pas une histoire de convictions (cf. arrêtons de commettre l’impair de la décision).
Qui décide où et quoi regarder et comment percevoir ?
Si on n’objective pas les arbitrages pour éviter les croyances, si on ne clarifie pas les hypothèses et si on n’en suit pas les variations, l’effet de gel de la décision, analysé par Kurt Lewis, peut aussi ancrer des décisions erronées en bases de réflexion pour l’avenir.
Nous ne pouvons laisser le processus de décision ignorer la diversité des points de vue des acteurs, les intérêts divergents, pas plus que les connaissances établies et les contraintes réelles. Nous ne devons pas décider sur la base de fausses contraintes ou de perspectives qui ignorent délibérément les intérêts légitimes de parties prenantes de poids, ou qui s’aveuglent en transformant des hypothèses en croyances.

C’est le propre de l’avenir d’être incertain.

Sondage du Lancet 2021 révélant la peur de l’avenir chez les jeunes

C’est aussi le propre de la décision d’être un choix. Dans un contexte incertain, ce choix se mesure à ses conséquences dans le cadre d’objectifs fixés. Il peut et il doit être remis en question en temps utile, par rapport à un but.
Chez Semsimo, nous privilégions l’approche systémique pour analyser la complexité de l’environnement. Pour maximiser la création de valeur, il faut savoir additionner des visions différentes et objectiver les arbitrages. Sur la base d’éléments partagés, on pourra tracer des directions claires (cf. transformation numérique et pilotage par la valeurr)
C’est pourquoi nous nous attachons, pour comprendre les transformations, à la représentation collective des liens de sens entre les données de la décision pour voir ce qui est en jeu dans la création de la valeur.
Pour qu’il n’y ait pas qu’un seul témoin de ce qui nous arrive et qu’en recoupant les points de vues, nous comprenions justement ce qui arrive. Le collectif contribue à renforcer la résilience de l’organisation.

L’implication des parties prenantes pour voir les bonnes dimensions des choix

« Un écosystème cybercriminel aux ressources considérables s’est constitué et effectue des attaques sophistiquées ».

Guillaume poupard, ANSSI
Pour les entreprises, les nouvelles chaînes de valeur induites par les transformations numériques ne doivent plus faire abstraction des responsabilités sociales et environnementales.
Pas plus que des risques bien réels liés à l’usage des technologies.
Nos modèles de croissance ne peuvent pas reposer davantage sur l’épuisement des ressources naturelles. Ni se soustraire aux questionnements légitimes portant sur la dimension humaine et planétaire du développement.

Les choix ne peuvent être individuels quand leurs conséquences ne le sont pas.

Les conséquences des choix d’entreprise sont à mesurer sur une échelle qui dépasse la logique du retour sur investissement à court terme.
Sur la balance des urgences à court terme et des responsabilités à long terme, on ne peut décider sur la seule dimension économique d’un acteur sans casser dangereusement tout effort d’équilibre.
L’analyse de la valeur de tout projet, y compris celui du projet de l’entreprise, en d’autres termes, sa stratégie, ne peut être autre que multi-dimensionnelle. On se posera les bonnes questions pour agir de façon pertinente et fixer des objectifs significatifs, en impliquant toutes les parties prenantes pour les formuler.
L’organisation est un agent social qui agit de manière structurée pour remplir un rôle, à travers d’autres agents (personnes physiques ou morales) qui interagissent avec des ressources participant à des évènements. Les actions peuvent se coordonner à travers le partage d’une intention globale. Ainsi est-il nécessaire de doter d’un sens la démarche d’entreprise, et un but pour que cette démarche aboutisse. Formalisé, ce dernier sert de guide à l’évaluation des risques selon les bénéfices recherchés.

Vers un monde du tout connecté où les données sont clés

Digital Capability Model

Deloitte et l’ASCM ont codifié un modèle de référence pour guider les organisations vers les nouvelles chaînes logistiques connectées en réseaux (cf https://dcm.ascm.org).

Smart Agri Hubs

Le site Smart Agri Hubs traite de l’innovation, des enjeux et des cas pratiques de la transformation numérique dans le secteur AgriFood au niveau européen. (cf. https://www.smartagrihubs.eu/)

Jumeaux numériques

Le dr. Norbert Gaus, Siemens, s’exprime dans cette vidéo sur les avantages des jumeaux numériques (source Cxo Talk)).

La création de valeur : un questionnement permanent

Le radar Positive Impact est un des premiers outils développés par le projet Positive Impact pour mettre en œuvre une analyse d’impact holistique.

Si nous ne pouvons modéliser l’ensemble des futurs possibles, ni planifier somme toute un long terme peu prévisible, on peut s’adapter continuellement à contourner les embûches ou peser les incertitudes pour ne pas s’éloigner d’une raison d’être. Il n’y a pas de routes définitivement tracées, mais des ajustements de trajectoire perpétuels pour atteindre si ce n’est à une terre promise, du moins à une terre fertile.
Certes, de nouveaux modèles apparaissent grâce aux technologies. Ainsi Deloitte, en collaboration avec l’ASCM (Association for supply Chain Management) a créé un modèle de référence pour illustrer comment les chaînes d’approvisionnement linéaires traditionnelles évoluent vers des ensembles de réseaux d’approvisionnement numériques dynamiques reliés par l’Internet des objets (IoT). (cf. Le digital Capacities Model for supply Network).

Comprendre, avant de choisir

Mais s’adapter aux modifications de son environnement ne signifie pas accélérer l’adoption de toute nouvelle solution ou technologie émergente (cf. changer de logiciel ne suffit pas). En revanche, il s’agit de monter en compétences et comprendre les changements impulsés par les nouvelles capacités fournies par le numérique. Car pour peser l’intégration des technologies disponibles dans les modèles économiques, les services ou produits, on doit aussi bien prendre la mesure des défis qu’elles représentent qu’en analyser les bénéfices au regard des coûts, autant que des impacts négatifs et des risques. Quelle réponse est apportée à quel besoin, pour qui, pourquoi, avec quelle consommation de ressources ? A-t-on les capacités pour le faire ? Peut-on les obtenir ? Que peut-on faire ou ne doit-on pas faire avec nos ressources?

La question de la création de valeur est clé.

L’enjeu est de répondre au mieux à toutes ces questions afin de hiérarchiser les options de choix par la suite sur des critères communs. Les priorités sont à établir en fonction de la vision partagée de la raison d’être de l’entreprise mais aussi de ses responsabilités. Que des décisions engageantes sur le long terme se prennent avec des connaissances limitées et de l’incertitude, cela n’est pas nouveau. Néanmoins, les entreprises naviguent dans un monde ressenti comme plus complexe du fait de la pluridisciplinarité et de la multiplicité des interactions. Dès lors, les effets de chaque action peuvent être démultipliés et leurs conséquences sont à mesurer sur des grilles d’analyse nouvelles.
Cela ne doit pas nous empêcher d’agir et d’éclairer le contexte de la prise de décision en insufflant une vision globale des actions de l’entreprise préservant au mieux les intérêts de toutes les parties prenantes. Il faut donc leur donner voix au chapitre.

Les règles du développement sont celles de l’équilibre, pas du lancer de dés

Exemple de grille d’analyse d’impacts suivant les principes de Positive Impact Finance

Les enjeux actuels nécessitent de lancer des projets avec un effort accru d’investissement à long terme, pour s’inscrire dans une perspective de durabilité, tout en gardant la capacité à anticiper les ruptures et à répondre aux contraintes, celles d’aujourd’hui, celles de demain. Ce n’est pas un lancer de dés au hasard. Au moment de tout choix, il faut comprendre et accepter une prise de risque calculée pour diminuer le risque demain. Pour établir ce calcul, il faut déjà avoir mis en place le recueil des éléments clés de la décision au juste nécessaire, afin d’évaluer la création de valeur.

La recherche de la valeur c’est la recherche du meilleur équilibre entre la satisfaction des besoins des parties prenantes et la consommation de ressources. La prise en compte grandissante des biens communs conduit à ce que l’approche des parties prenantes intègre la planète au sens de la préservation du capital naturel (ressources environnementales) et les équilibres sociaux et humains. Les règles d’une bonne gouvernance c’est donc de clarifier autant que possible les équilibres en jeu et d’obtenir un engagement commun relativement stable sur des priorités affichées de manière transparente.

L’évaluation de la valeur créée est un processus itératif et incrémental, car il faut rendre compte régulièrement des changements de contraintes de ressources ou de perception des enjeux des parties prenantes elles-mêmes, dans des environnements dynamiques. Il n’y a pas d’évaluations justes sans informations fiables et sans réactualisation desdites.

Un système dynamique pour fournir de quoi rebondir

En tant que société, nous ne consacrons que peu d’attention, d’argent et d’efforts aux risques qui mettent en péril notre avenir. Peu d’entre nous sont des longtermistes. Seuls très peu pensent même à ces risques, alors qu’en fait ce sont des problèmes qui devraient être au cœur de notre culture. La puissance sans précédent de la technologie d’aujourd’hui exige une responsabilité sans précédent. Le développement technologique a rendu possible le niveau de vie élevé de notre époque. Je pense qu’une part considérable des fruits de cette croissance devrait être consacrée à la réduction des risques et des conséquences négatives de certaines technologies. Our world in data, longtermism

Max Roser
La mise à disposition en continu d’informations complètes, lisibles et comparables est un préalable indispensable à une juste évaluation des risques. Pouvoir relier les informations dont disposent les différents acteurs impliqués dans la décision redonne une perspective globale des effets des projets et facilite une meilleure appréhension des enjeux et contraintes.
C’est un système dynamique qu’il faut mettre en place, un système qui permette la résilience face aux ruptures brutales d’équilibre en trouvant des chemins d’adaptation. Chaque unité organisationnelle en fait partie, pour donner les moyens collectifs de revoir les décisions, dès lors que l’une ou l’autre capte un signal pertinent. Soit tout indicateur signifiant que le contexte ou les hypothèses changent. Qu’il s’agisse de modifications du contexte macro-économique, des enjeux des parties prenantes, des contraintes réelles ou supposées, ou des capacités réellement disponibles.

Construire une mémoire collective pour une entreprise agile

On doit autant être capable de mobiliser l’intelligence collective que construire une mémoire collective. En effet, pour être en mesure de revoir les décisions dans un nouveau contexte, il faut garder l’historique des raisons qui ont conduit aux choix précédents. Les raisons d’hier peuvent ne plus se justifier aujourd’hui. Dans l’incertitude on fait des hypothèses sur des paramètres mouvants. Certaines choses peuvent aussi peser plus ou moins au fil du temps.

Une solution qui semble hors de portée aujourd’hui pourrait tomber sous le sens dans deux ans. Une technologie mise en place avec beaucoup d’investissements et d’efforts laborieux se révéler inefficace, ou avoir plus d’impacts négatifs que positifs. Il faut savoir faire machine arrière et ré-évaluer régulièrement les possibles. Le cadre d’évaluation ne peut être figé sur quelques axes ou silos analytiques. Ils négligeraient les interactions entre les composants du système mais aussi entre les parties prenantes et le système cible désiré.

Pour choisir nous devons poser nos hypothèses et critères d’évaluation. La raison doit aussi nous conduire à réinterroger les priorités en temps utile. Quand les hypothèses prises hier s’avèreraient erronées en tout ou partie aujourd’hui. Quand l’environnement se modifie, ou quand, malgré toutes nos analyses, toutes nos précautions, les choix ne donnent pas satisfaction.Encore faut-il garder trace des choix et des paramètres des transformations antérieures.

La mémoire nous permet d’anticiper

Or si l’entreprise est un corps social, on peut lui construire une mémoire agile collective. Pour mieux comprendre la portée des changements, en quoi ils modifient le contexte des décisions et leurs conséquences. Afin de repositionner le cap si nécessaire quand on dévie trop de la création de valeur recherchée.

On vise là une vraie agilité de l’organisation pour s’adapter et non un mantra d’agilité « prêt à porter » comme c’est souvent le cas .

Cette mémoire servira à pouvoir questionner à tout moment ce qui nous a amené à tel point ou tel autre sur la trajectoire entamée, si les besoins ou les contraintes sont toujours les mêmes et si les bénéfices escomptés sont là. Selon la réponse, on peut éventuellement changer la trajectoire. C’est ainsi que l’entreprise peut s’adapter aux circonstances.

Cette mémoire ne se construit pas « ab nihilo », sans réflexion d’ensemble. Une masse de données collectées sans critères ne nous aidera pas davantage. Nous ne pouvons déléguer la part de raisonnement qui nous incombe à une machine. Un ordinateur, un algorithme, ne font que calculer et produire des statistiques. Ce ne sont pas eux qui nous fournirons les liens intelligents pour penser le long-terme. Plus ennuyeux, l’usage immodéré d’une certaine forme d’IA pourrait tout aussi bien réduire nos perspectives .
En revanche, nous pouvons construire un graphe de connaissances à l’aide de machines et naviguer au-delà de nos limites. Cette navigation par des liens de sens servira à se ravitailler aux archipels de certitudes évoqués par Edgar Morin. Ainsi, nous pourrons affronter mieux préparés les incertitudes qui nous entourent.
C’est là le champ d’intervention de Semsimo.

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