ERP SaaS : un match en 10 points sans vainqueur

Si le mode SaaS pour les ERP a bien résolu certaines problématiques, il en a créé d’autres et transposé d’anciennes. Il ne s’agit pas seulement de se libérer de coûts d’investissement, d’exploitation d’infrastructure ou de gestion de la sécurité. D’autant que tout n’est pas toujours aussi rose là où on s’attend à ce que cela le soit. Il y a des atouts indéniables, mais il y a aussi des zones grises. L’article suivant le montre en 10 points, dont 4 atouts et 6 zones grises. D’où la coexistence prévisible et l’évolution des modèles pour un moment encore. Comme on s’en aperçoit concrètement, au-delà des discours engageants des éditeurs …

# 1 La standardisation des processus : + 1
#2 L’adaptation au changement : + 1
#3 La rapidité d’installation : + 1
#4 La mobilité internationale : + 1 avec bémol
#5 La sécurité : zone grise
#6 Les évolutions et la flexibilité : zone grise
#7 Le changement de fournisseur : zone grise
#8 Les retours d’expériences : zone grise
#9 L’intégration : zone grise
#10 Les coûts cachés : zone grise

# 1 l’ERP en mode SaaS et la standardisation des processus : + 1

StandardisationUn fournisseur d’ERP propose une suite logicielle de modules applicatifs pour les entreprises. Chacun traite d’une activité en particulier (gestion commerciale, gestion financière, ressources humaines, production, logistique, gestion d’entrepôt, relation client, etc.). Les modules ont été conçus pour pouvoir s’interconnecter autour d’une base de données centrale. Ils peuvent néanmoins faire l’objet d’achats séparés et ont une tarification propre.

Un ERP répond à une volonté d’intégration de plusieurs applications dédiées à des activités différentes en une seule. Ainsi il est possible de normaliser les processus au niveau entreprise et fiabiliser les échanges de données. En principe, tout cela nous conduit à des temps de cycle de processus plus court, donc une meilleure performance opérationnelle. Au niveau décisionnel, une organisation gagne également à baser ses décisions sur des remontées de données plus fiables.

De plus, le tout intégré réduit la problématique de sélection et de gestion de multiples solutions. Certains processus d’entreprise sont clairement réplicables et peuvent être standardisés avec de meilleures pratiques dans un ou plusieurs domaines. C’est la promesse d’origine des ERP, fournir une normalisation via l’automatisation de séquences de tâches en suivant les modèles éprouvés. Avec l’unification des données, cela conduit à plus de performance opérationnelle des activités supportées.

Les éditeurs d’ERP en mode SaaS cherchant le plus grand nombre de clients, il leur faut proposer les modèles les plus réplicables. Ils se focalisent sur les 80% communs, sans embarquer les 20% complexes. Un choix d’autant plus facile à faire sans avoir à gérer des années de demandes d’évolution des clients en maintenance.

#2 L’ERP en mode SaaS et l’adaptation au changement : + 1

changement maintenantOn ne choisit pas un ERP pour en faire un couteau suisse, mais pour obtenir une solution clé en main.

Un projet ERP, c’est avant tout un projet organisationnel. Il s’agit d’adapter l’organisation aux nouveaux modes de travail induits par l’ERP, afin de standardiser des processus. Encore faut-il ne pas se tromper sur la normalisation souhaitée et adapter l’ERP à l’organisation au juste nécessaire. C’est à dire introduire les règles et données métiers propres à cette dernière dans la solution.

Pour ce faire, la clé du succès tient à restreindre l’adaptation au maximum à ce qu’on appelle de la configuration, par opposition à de la customisation. L’un est affaire de paramétrage, l’autre de développements spécifiques.

Ces derniers sont à éviter autant que faire se peut. Outre le coût de développement, cela va à l’encontre de l’objectif des ERP (la normalisation). Cela conduit également à des maintenances extrêmement difficiles. Les extensions fonctionnelles ainsi obtenues par développements additionnels ne sont pas supportées ni maintenues par l’éditeur et peuvent complexifier extrêmement le travail de montée de version.

L’adhérence des métiers à leurs habitudes de travail peut conduire à trop de customisations sans réelle valeur ajoutée. Quand l’ERP est installé sur site et qu’il est relativement flexible pour introduire des extensions, ce travers peut conduire à l’échec. Néanmoins on ne sait pas toujours après coup, si l’échec est dû à une mauvaise sélection de départ, ou à une mauvaise gouvernance de projet.

Avec le SaaS, on a en quelque sorte une garantie de réingénierie forcée des processus. L’organisation n’a pas le choix. Elle doit adopter le changement. Même si c’est un avantage curieux de forcer le changement par le biais d’une solution, le SaaS a deux vertus. D’une part, il impose d’adapter la solution par la configuration, pas par la customisation. D’autre part, il permet de voir rapidement ce qui est proposé.

#3 L’ERP en mode SaaS et la rapidité d’installation : + 1

Départ immédiatLe SaaS, sous réserve de souscrire un abonnement, vous fournit un droit d’accès, via une connexion Internet, à une application déjà installée. Dès lors, vous pouvez utiliser ses services fonctionnels comme bon vous semble. Si vous avez un mobile, une tablette, un PC, n’importe quel équipement connecté, vous pourrez accéder simplement, avec un compte utilisateur et un mot de passe, à l’application souhaitée.

Bien sûr, il faut la configurer et ne pas oublier la formation des utilisateurs. Mais on évite quand même le cycle d’achat de matériels d’infrastructure et l’installation de l’environnement technique en passant par toutes les phases de développement, tests et production. Ce qui peut réduire de façon conséquente (3 mois par exemple) le temps d’installation. Sans parler du fait de ne plus avoir à gérer l’exploitation et la sécurité des infrastructures.

Le mode SaaS est évidemment une bonne option pour n’importe quelle société qui veut se concentrer sur son cœur de métier. Il permet de limiter les ressources et le temps nécessaires pour pouvoir employer une solution logicielle opérationnellement. Surtout pour une PME ne disposant pas de compétences informatiques.

#4 L’ERP en mode SaaS et la mobilité internationale : + 1 avec bémol

L’accessibilité est l’un des points forts du modèle. Clairement, le mode SaaS permet l’accès de n’importe où avec n’importe quel équipement. N’importe où ? Attention aux zones où les connexions Internet ne sont pas fiables à 100%. Attention aussi aux problématiques de rapidité de traitement des informations lorsque les interactions se font via le réseau public.

Si on en reste à la configuration la plus standard possible, un ERP présente des atouts indéniables. Surtout dès qu’il y a plusieurs filiales/sites à gérer et une dimension internationale. En effet, les solutions veillent à être conformes aux normes comptables et financières de nombreux pays et tout grand ERP intègre la gestion multi société, multidevise et multilingue. Le SaaS permet aussi le multi équipements, par nature.

Pour une société en croissance, choisir un ERP qui peut accompagner cette dernière partout et consolider les données financières en central peut s’avérer un bon calcul. Mais la performance des accès et les temps de réponse demeurent des points à questionner et à vérifier. Surtout si vous voulez commencer à traiter des aspects Big Data avec votre ERP.

#5 L’ERP en mode SaaS et la sécurité : zone grise

SecurityDans la plupart des cas, pour les PME, les solutions matures en SaaS sont souvent plus sécurisées que les solutions sur sites, pour ce qui est des sauvegardes, des contrôles d’accès, des redondances… Les fournisseurs de SaaS utilisent eux-mêmes des infrastructures cloud hébergées dans des datacenters respectant des normes de sécurité strictes. Cela dit, ces gros datacenters seront forcément plus sujets à des attaques, car en visibilité. Mais ils chercheront forcément à s’en prémunir avec d’autres moyens qu’une PME.

En l’absence de contrainte d’accès physique au réseau d’une entreprise, mieux vaut penser aussi sécuriser l’accès à son compte. Éventuellement via un cloud privé. Souvent l’hébergement SaaS ne filtre pas par défaut les accès à la plateforme par IP, faut vérifier les services fournis et le paramétrage requis.

De plus, dans ce mode, on va héberger ses données chez un tiers. Certes tous les fournisseurs à présent sont tenus de fournir des détails sur la localisation des données. Reste aussi à s’interroger sur le format de stockage ou les mécanismes de sauvegarde en continu. Ce qui implique bien évidemment les vérifications d’usage sur le contrat SaaS. D’une part, celles qui concernent les engagements en matière de protection des données, dont respect du RGPD et conséquence du Cloud Act. D’autre part, les niveaux d’engagements de service (SLA) en termes de disponibilité, intégrité, garantie de conservation des données, sécurité, support.

Pouvoir stocker ses données sur ses propres serveurs afin de pouvoir y accéder sans connexion Internet vous assure en principe plus la maîtrise de leur confidentialité. Si vous avez les compétences pour gérer la sécurité derrière.

#6 L’ERP en mode SaaS, les évolutions et la flexibilité : zone grise

source Rooners Toy Photography “Evolution”, licence CC BY-NC-ND 2.0

source Rooners Toy Photography “Evolution”, licence CC BY-NC-ND 2.0

Certes, avec le mode SaaS, vous n’avez plus de soucis de maintenance, de mise à jour de correctifs, de gestion d’infrastructures. Les évolutions du logiciel, en particulier pour suivre celles du marché, des législations et des technologies sont sous-traitées au fournisseur.

Ces évolutions vous sont fournies de manière transparente et le cauchemar des projets complets de montées de version disparaît. Finies les interruptions de service, les erreurs de migration, de mise en service … Devops, intégration continue, déploiements automatisés, c’est le métier du fournisseur, pas le vôtre. Là où les choses se compliquent, c’est quand la configuration ne suffit plus. Parce qu’il faut intégrer l’ERP avec d’autres applications développées dans l’entreprise. Ou parce qu’il faut rajouter des étapes à un processus trop standard non adapté à la réalité de l’entreprise.

Il est rarement possible de ne pas avoir à customiser un peu l’ERP, et plus l’organisation est complexe, moins c’est réaliste. Il faut dès lors mettre en place un processus de décision pour limiter les spécifiques au juste nécessaire, dans tous choix de solutions de ce type.

Mais en matière d’adaptations spécifiques, le SaaS atteint vite ses limites. Vous pourrez bien sûr configurer votre environnement d’usage, paramétrer certaines données liées à votre société. Tout ce qui est indispensable au bon fonctionnement de la solution. Toutefois, les fonctions fournies et les choix d’évolution restent du ressort exclusif du fournisseur. Il maintient les fonctionnalités, les fait évoluer et met à jour en continu son service, de la même façon pour tous ses clients. C’est un avantage pour la standardisation, pas pour la différenciation. Aussi certaines sociétés préfèrent garder la main sur les évolutions, via des installations locales.

#7 L’ERP en mode SaaS et le changement de fournisseur : zone grise

Si le SaaS semble offrir plus de flexibilité pour un déploiement rapide, cela ne garantit pas une migration aisée ensuite vers un autre fournisseur. En effet, il ne faut pas oublier que chaque ERP a son propre modèle de base de données et migrer les données d’une solution à une autre peut très vite devenir complexe suivant les volumes et les transformations nécessaires.

En plus, une fois que vous ne poursuivez plus l’abonnement, vous n’avez plus accès au logiciel. Il faut vous assurer que la solution SaaS choisie fournisse bien des possibilités de récupération de toutes vos données. Sur un temps suffisant pour pouvoir tester la complétude de cette récupération. Ce qui signifie a minima des fonctions d’import/export des données dans un format standard et facilement exploitable par la suite (ex. : fichier en extension csv).

#8 L’ERP en mode SaaS et les retours d’expériences : zone grise

Partage expérience

Beaucoup de sociétés ont des difficultés à cibler des bénéfices mesurables et faire un business case de leurs projets ERP. C’est souvent faute d’avoir clarifié les objectifs et les processus qui peuvent être concernés. Les échecs passés enseignent qu’il faut être clair et extrêmement lucide sur le point de départ et la cible atteignable. Ce qui implique de relativiser les chiffres de gains qu’avancent dans l’absolu les éditeurs. Mieux vaut renforcer au maximum une hypothèse de cible par de nombreux retours d’expérience vécus, dans un cadre d’activité similaire. C’est-à-dire faire un benchmarking, même s’il ne résout pas tout.

Certes des acteurs de longue date (SAP, Oracle, Microsoft) poussent vers leurs nouvelles offres en mode SaaS. Ces solutions sont souvent de nouveaux développements et non une version SaaS des offres précédentes proposées en déploiement sur site. Or les solutions récemment mises sur le marché ont un défaut majeur. Il est plus difficile de faire la preuve de leurs bénéfices en trouvant des références d’implantation exploitables et des compétences. Du coup, la promesse de fournir les meilleures pratiques, implantées dans de nombreuses entreprises, bat un peu de l’aile. Par ailleurs, l’offre de connecteurs avec d’autres applications est beaucoup plus étendue pour des solutions matures. Ce qui questionne l’intégration dans les systèmes existants des nouvelles.

#9 L’ERP en mode SaaS et l’intégration : zone grise

Intégration

À un moment ou à un autre, il faut intégrer l’ERP SaaS dans le système d’information de l’entreprise. Parce que l’ERP n’est pas le SI. Lorsqu’il y a un patrimoine applicatif conséquent, hérité d’années de développement, importer et exporter des csv ne suffit pas. L’intégration peut devenir complexe et conduire à des processus lents, voire inefficients. Le comble pour un outil d’optimisation de performance des processus.

D’un autre côté – si vous n’avez pas d’héritage à gérer – un ERP en mode SaaS vous permet parfois d’intégrer des extensions fonctionnelles plus rapidement que sur un mode on-premise.

Un éditeur d’ERP en SaaS peut en effet proposer à des partenaires d’enrichir son offre sur sa plateforme via des APIs. Et proposer des places de marché pour des extensions fonctionnelles ou des adaptations sectorielles déjà intégrées à sa solution.

Attention toutefois que l’interfaçage de la solution avec des applications tierces grâce aux APIs, n’entraîne pas une faille dans le système de sécurité.

Un ERP en mode SaaS peut ainsi évoluer dans des logiques d’écosystèmes d’intégration. Jusqu’à pouvoir proposer une large couverture de besoins à travers des modules facilement interopérables en provenance de différents acteurs.

Mais est-ce que cela sera vraiment moins coûteux à terme, si on doit multiplier les abonnements ?

#10 L’ERP en mode SaaS et les coûts cachés: zone grise

Argent

Le SaaS est souvent mis en avant pour les aspects financiers. Mais il s’agit surtout de déplacer des coûts d’investissement sur des coûts d’exploitation (CAPEX versus OPEX). La fluctuation des taux d’investissements peut aussi changer la donne. Certes ne pas avoir d’infrastructure à exploiter et de sécurité à gérer diminue les coûts. Encore faut-il calculer les risques selon les SLAs du fournisseur.

Un forfait (de quelques centaines à quelques milliers d’euros) peut être aussi demandé pour le démarrage du service, selon les fournisseurs, incluant parfois des frais de mise en service, une aide au paramétrage de base, des jours de formation à l’administration, au paramétrage et à l’utilisation de la solution.

Si on ne peut plus vraiment parler de TCO (Total Cost of Ownership) pour le SaaS, cela n’empêche pas de devoir surveiller les dépenses. Dans tous les cas, il faut comparer tous les coûts sur plusieurs années. Car, en principe, on ne change pas souvent d’ERP. Or à long terme, le coût réel de certaines solutions SaaS apparaît plus élevé que prévu, au fur et à mesure où apparaissent des métriques liées aux performances des infrastructures sous-jacentes. Ou quand, ainsi qu’évoqué pour le point 9, on multiplie les abonnements à des solutions d’extensions pour avoir plus de couverture fonctionnelle.

Conclusion

Ce ne sera donc une surprise pour personne, le mode SaaS ne résout pas toutes les problématiques liées aux ERP. Il s’agit toujours, pour chaque organisation, de se poser clairement les questions des avantages d’une solution au regard des inconvénients. Mais dans son contexte particulier, en fonction de ses contraintes et de ses enjeux. Qu’il y ait des pressions des investisseurs et des éditeurs pour pousser un modèle de revenus récurrents, cela se comprend. Qu’il y ait des atouts indéniables liés au type de livraison du service, aussi. Surtout quand on veut automatiser des processus complètement normalisés. Mais le SaaS ne simplifie pas tout, ainsi que l’ont montré les 10 points précédents. D’où la coexistence prévisible on-premise, SaaS, Cloud ERP et l’évolution des modèles en mode hybride pour un moment encore.

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