Retail, numérique et données personnelles : attention!
Multicanal ou Omnicanal?
Le multicanal est une stratégie de relation client qui prend en compte, dans les interactions avec le client, en plus des canaux classiques (boutiques physiques, téléphone…) le canal digital (e-mail, site web, FAQ, etc.). Mais les points de contact sont gérés indépendamment. L’omnicanal succède à cette stratégie en prenant en compte toutes les sources d’interactions digitales (sites web, forums, réseaux sociaux, chat…) sur tout type d’équipement (PC, smartphones, tablettes) et en les couplant avec les interactions physiques (boutiques réelles) pour optimiser le parcours client, en exploitant toutes les sources d’information de tous les points de contact en simultané.
le retail numérique : un paysage physique et virtuel
Il est devenu impératif de franchir le pas de la vente et du marketing digitalisés, les comportements d’achats intégrant résolument le numérique. L’expérience client devient la nouvelle donne des outils logiciels pour la vente. Cela suppose un design léché adapté aux équipements mobiles, des contenus interactifs et divertissants, des réponses rapides. Tandis que l’omnicanal supplante le multicanal en multipliant les sources d’interaction et la capacité à les exploiter ensemble en instantané.
L’intelligence artificielle et la réalité augmentée s’invitent également dans le parcours d’achat (en B2C aussi bien qu’en B2B). Tandis que Big Data et intelligence artificielle servent à adapter le service au segment de clientèle correspondant et proposer la bonne offre au bon moment.
Le numérique ne cesse de transformer le marketing dans les capacités d’interactions avec les clients. D’une part, pour apprendre à mieux les cibler pour vendre des offres existantes. D’autre part, pour développer les offres en fonction d’une meilleure compréhension des attentes.
La donnée est la devise du retail numérique
La segmentation client, par exemple, qui est un B.A.BA du marketing, se trouve révolutionnée par l’analyse décisionnelle sur de grandes masses de données.
Dans l’article en ligne du site Disruptordaily.com « what’s the future of AI in retail” plusieurs experts s’expriment sur les promesses de l’intelligence artificielle. En particulier, ils mettent en relief l’enjeu de l’exploitation des données pour le retail dans la relation client.
.Data is the new digital currency for retailers. In this digitally-powered world, there are vast libraries of data available, providing businesses with more opportunities to better understand their customers. To take advantage of this digital currency, retailers will integrate new and
Kerry Liu, co-founder and CEO of Rubikloud
disruptive technologies like machine learning and AI. This intelligent automation will allow retailers to enhance business efficiencies behind the scenes that will ultimately improve the overall customer experience and drive more revenue.
Au programme des tendances à étudier se trouveront donc tous les moyens permettant cela :
- Croisement de toutes les sources de données en même temps pour rester au courant de tendances (ou comportements) avec l’omnicanal. Capacité à interagir le plus longtemps possible en engageant l’utilisateur dans une expérience captivante pour l’acquisition de clients (User Expérience).
- Capacité d’augmenter l’interaction autour d’un produit, d’une offre, en le mettant en situation (réalité augmentée).
- Usage de l’Intelligence Artificielle pour aider aux décisions (Natural Language Processing, analyse prédictive), et aux interactions (chatbot et autres).
- Mass emailing permettant de tester et tracer la réaction à certains messages marketing, etc.
Un consommateur qui produit de quoi le cibler
Réalité augmentée et processus de vente
La réalité augmentée permet de superposer, en temps réel, à l’image de la réalité des éléments d’information supplémentaires au format numérique (son, 2D, 3D, etc.), par le biais d’un équipement mobile. Le jeu Pokémon Go, a largement contribué à populariser la technique en 2016. Petit à petit, l’usage de cette technologie s’impose car elle aide le consommateur à faire son choix en le rassurant. En le laissant voir le rendu d’un objet dans son environnement, comme manutan en B2B pour le mobilier professionnel. Ou en permettant d’essayer virtuellement des vêtements, des lunettes, du maquillage, avec un mobile (ex : YouCam Makeup).
L’impact de la transformation numérique sur les habitudes de consommation a fait également du consommateur un acteur à part entière des échanges numériques. Un acteur qui lui-même produit de multiples données contribuant à alimenter des modèles économiques. Ceux dont l’offre est, a contrario, d’accéder aux consommateurs en proposant de mieux les cibler.
Dans un monde hyper connecté, la capacité à maîtriser les données clés des échanges entre vendeurs et acheteurs, revient à disposer d’un avantage compétitif.
Dès lors, le rôle des acteurs qui proposent des services d’intermédiation reposant sur l’exploitation de données numériques, dans le processus de vente, mais aussi d’une certaine manière dans l’ensemble du processus logistique, est appelé à se développer de plus en plus et représente un marché phénoménal, qui dépasse désormais le cadre du B2C.
Les données circulent plus vite, sont de plus en plus sujettes à analyse, exploitation et questionnement sur leur propriété. Car l’enjeu du numérique réside à pouvoir rapidement utiliser toutes les informations disponibles (et autorisées) pour en retirer le sens utile et interagir ou réagir en conséquence.
Une relation durable avec les doubles virtuels
L’enjeu derrière tout cela, c’est de fidéliser les clients. Quand fournir une relation commerciale, un support et des services de qualité, ne suffit plus. Il s’agit également de récompenser, d’une manière ou d’une autre, les clients de longue date. Pour leur montrer le retour sur investissement de leur confiance et leur fidélité. Car un client qui reste longtemps et achète régulièrement plusieurs produits est finalement beaucoup plus profitable que plusieurs clients qui apporteraient le même chiffre d’affaires produit ou service. Cela en raison des coûts d’acquisition.
C’est là qu’intervient l’acronyme barbare de « CLV » ou « Customer Life-time Value », qui consiste à essayer de calculer le profit apporté par un client (ou plus exactement un profil type client, puisqu’il s’agit de segmenter les bases), tout au long de sa relation avec l’entreprise. La formule de calcul peut évoluer.
En effet, si les taux de rachat, la valeur moyenne d’une commande et les taux de rétention entrent en premier dans le calcul, les entreprises peuvent aussi constater que proposer des réductions, des récompenses ciblées, des offres packagées, ou des offres de parrainage, sont des leviers qui, s’ils peuvent baisser le chiffre d’affaires apparent à court terme augmentent très rapidement le taux de rétention, le ré achat et aussi baissent le coût d’acquisition de nouveaux clients. Un client satisfait pouvant se transformer en ambassadeur de la marque et recruter lui-même de nouveaux clients. Ce qui est à la base même de la stratégie d’Amazon.
Le bouche-à-oreille numérique : les recommandations
Si vous construisez vraiment une bonne expérience, les clients vont se le dire les uns aux autres. Le bouche-à-oreille est un outil puissant.
Jeff Bezos
On peut également fournir un amplificateur à ce bouche-à-oreille en proposant aux clients des programmes de parrainage et des moyens d’exprimer leurs avis et leurs recommandations à travers des enquêtes de satisfaction qui visent plus qu’afficher un pourcentage. Elles cherchent, par la collecte des données, à comprendre comment aller encore plus loin dans la personnalisation de la relation.
Car la clé d’une relation durable (donc d’une CLV augmentée) est dans la création d’un sentiment de proximité et d’engagement qui se construit en créant un double virtuel au client. Ce double virtuel, c’est le compte client, « la carte de fidélité dématérialisée ». Cette dernière rassemble et collecte toutes les informations connues par l’entreprise. Sur cette base, il est possible de proposer des promotions ou des offres spéciales aux moments opportuns.
Selon une étude de 2018 réalisée par Epsilon Data Management et GBH insights, 80 % des clients (en B2C) feront de préférence des achats avec une société qui offre des expériences personnalisées. Sachant que les clients sous-entendent des choses différentes derrière ces termes. Un tiers attendent des recommandations sur des offres qui conviennent particulièrement à leurs besoins et centres d’intérêt. Tandis que 16 % recherchent des offres et des réductions personnalisées.
Pour qu’une offre soit personnalisée sur les centres d’intérêt d’un client, encore faut-il collecter des informations sur ces derniers. Ce qui suppose toutefois de ne pas dépasser les bornes sur le respect de la vie privée du consommateur et éviter certaines zones grises.
Une surveillance acceptée en toute confiance?
Certes, les médias sociaux ont conduit beaucoup de gens à prendre l’habitude d’afficher leurs données personnelles. D’autre part, l’effet d’échelle et la numérisation de nombreuses données peuvent permettre en temps réel d’effectuer des recommandations sur votre panier d’achats en fonction de profils anonymisés similaires au vôtre.
On pourrait s’interroger sur l’effet ressenti d’être tracé en permanence, à travers cette personnalisation qui surveille quand même de facto les comportements des consommateurs. En fait, selon l’étude d’Epsilon, 75 % des clients apprécient d’avoir des avantages incitatifs ciblés à travers la personnalisation et seulement 25 % trouvent cela terrifiant. 68 % estiment d’ailleurs que cela vaut la peine de donner ses informations personnelles à une entreprise en échange d’offres, recommandations de produits, remises, etc. qui sont personnalisées pour eux, contre 32 % qui estiment que cela ne justifie pas d’abandonner ses données.
Toutefois, quand on en vient à interroger la confiance des sondés sur la façon dont les sociétés vont sécuriser du mieux possible l’usage de leurs données personnelles, seulement 57 % des sondés affirment être confiants.
Cependant, en 2019, selon le baromètre Samsung, la tendance au partage ne recule pas. Une large majorité des Français interrogés (81 %) accepte désormais de partager des données personnelles (dont 34 % « sans aucun problème », + 15 points). 73 % des consommateurs sont prêts à partager des informations de contact (nom, prénom, adresse e-mail, code postal ; + 8 points), 42 % leurs centres d’intérêt (+ 10 points) et 40 % leur numéro de portable (+ 8 points). En contrepartie, ils attendent principalement des enseignes des informations sur les promotions (69 %). Ainsi que des offres personnalisées (63 %, +6 points vs 2018).
La maturité du retail numérique doit passer par la sécurisation des données
D’une part, le baromètre souligne que le point de vente physique continue à être vécu comme un canal de confiance. D’autre part, qu’il gagne de plus en plus à être accompagné de dispositifs digitaux. Il ne mentionne toutefois pas le pourcentage de sondés confiants sur la sécurisation de leurs données. Mais à l’évidence, la protection et la confidentialité des données doivent être plus que jamais une priorité pour les entreprises, et pas seulement parce qu’elles doivent se conformer au RGPD. Car il n’y a pas de relation durable, sans confiance et pas de confiance sans l’assurance de la confidentialité de vos données.
Il n’est pas acceptable qu’elles puissent être accessibles par négligence ou être partagées avec une chaîne d’acteurs dont tous n’auraient pas le même niveau de fiabilité et certains des objectifs douteux. Le scandale Cambridge analytica devrait nous rappeler ce qui se joue derrière : «l’identification du citoyen à un consommateur», comme le mentionne le juriste Alain Supiot dans ses cours au collège de France. À écouter en podcast sur France culture, dont celui sur la «démocratie capturée par le marché» dans Figures juridiques de la démocratie (9/9).
Si la fidélisation passe par la personnalisation via les données, elle passe aussi par la sécurité desdites données. Cela implique certes l’usage d’outils et de solutions logiciels pour collecter, stocker, analyser et sécuriser les données sur les clients. Mais il est primordial de bien mesurer l’impact de telles solutions, en incluant et en valorisant le risque de perte des données et le contrôle des limites.